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25 mars 2007

Point de vue du Journal le Monde du 22/03/07

   

Point de vue

   

La France, paradis perdu, par Fourate Chahal-Rekaby

   

LE MONDE | 21.03.07 | 14h40  •  Mis à jour le 21.03.07 | 14h40

ffectivement, la France de mes cours d'histoire était un pays aimable, une terre d'accueil et de justice où le Bien finissait par triompher avec un manichéisme déroutant. Le Sans-Culotte avec son bonnet phrygien qui courait un drapeau à la main et, au son de La Marseillaise, hurlait : "Etre français, c'est le vouloir." Il était une belle incarnation de l'esprit patriotique ouvert, refusant l'hérédité sanguine et clamant la bienvenue à qui souhaiterait faire partie du peuple français souverain. C'était une belle image, c'est avec naïveté que je l'ai comprise.

C'est avec la distance de ma triple identité qu'elle s'est imprimée dans mon esprit d'écolière et c'est avec cette même distance que la jeune fille que je suis aujourd'hui doit observer le monde. Ce n'est pas que je me plaigne, comprenez-moi bien. Je ne crois pas souffrir de cette maladie aiguë que les sociologues appellent l'"acculturisme".

Je n'ai jamais eu à adopter de nouvelles valeurs qui soient entrées en conflit avec d'anciennes, à croire que les vraies valeurs sont apatrides. Non, je ne souffre pas d'"acculturisme" lorsque la pauvreté me choque, lorsque le mépris et l'humiliation m'indignent. Je ne souffre pas d'acculturisme lorsque j'entends dire qu'un pays c'est "comme une entreprise, les mauvais éléments, on les vire", lorsque je constate, de mes propres yeux que, sur fond blanc, le noir est toujours une cible.

Je suis née au Liban à la fin de la guerre, j'y ai appris qu'on se rendait des services entre voisins, qu'on finissait toujours par "s'arranger" entre nous. Je suis venue en France et j'ai appris qu'il fallait jouer avec ses camarades de classe sans leur demander si leur père était avocat ou gardien d'immeuble, juif ou protestant, qu'on était tous égaux devant la loi. J'ai aussi mon Atlantide, mon paradis perdu, un père et une grand-mère irakiens, ce pays que j'ai appris à aimer sans l'avoir jamais vu et qui n'existe plus, un pays avec des palmiers, des gens fiers et naturellement cultivés, le pays des Mille et Une Nuits.

MON PREMIER VOTE

Mon Liban - où on s'arrange toujours entre nous - passe des étés sous les bombes et s'enferme dans le communautarisme, ma France d'adulte, celle de mon premier vote présidentiel, est en pleine révolution de droite... que dire de mon Irak ?

Je dois quitter la France si je ne l'aime pas. Nicolas Sarkozy, qui sera probablement le président élu des Français, me l'a bien fait comprendre, mais si c'est le monde entier que je n'aime pas ? Et si, du haut de mes 20 ans, j'avais l'arrogance d'espérer un autre monde ? Si je ne croyais pas aux valeurs d'une République où il faudrait supporter l'idée qu'il y ait des brûlés vifs dans des logements sociaux délabrés ?

Si l'hégémonie américaine qui impose sa vision de la liberté à coups de bombes et d'occupations ne me convenait pas ? Que me conseilleriez-vous de faire ? Par quels impératifs me dicteriez-vous ma conduite ? Ce que je pense de l'élection présidentielle en France ? Franchement ? Je m'en contrefiche, c'est le monde entier qui me dérange.


Fourate Chahal-Rekaby, étudiante en lettres modernes


Article paru dans l'édition du 22.03.07

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